« Le bouddhisme ne nous amène-t-il pas aussi à nous raconter des histoires ? Des histoires différentes de celles que nous avons l’habitude de nous raconter, mais des histoires quand même ? »
Toutes les écoles bouddhistes affirment que notre perception habituelle est conceptuellement construite ou, comme l’appelle le philosophe Tom Tillemans, qu’elle est constituée de fictions utiles. Cela ne rend pas ces fictions fausses. Nous avons besoin de concepts pour donner un sens à un monde qui est autrement trop vaste et trop complexe pour être compris. La fiction utile de « mon corps » est une théorie qui généralise mes observations au fil du temps concernant des dizaines d’organes, des milliers de parties et des trillions de cellules. Certaines portions de cette « fiction » ont de bonnes propriétés prédictives, d’autres non. Il est sage d’emporter de l’eau, du papier hygiénique et du paracétamol lors d’un voyage, mais il n’est pas très sage de traiter le corps comme une propriété personnelle d’une manière qui lui sera préjudiciable à long terme.
Le Bouddha propose des récits de guérison, qu’il vous invite à étudier avec votre propre sagesse, de sorte que lorsque vous saurez par vous-même :
- Ces choses sont malhabiles, blâmables, critiquées par les gens sensés, et lorsqu’on les entreprend, elles conduisent au mal et à la souffrance », alors il faut y renoncer, et
- Ces choses sont habiles, irréprochables, louées par les gens sensés, et lorsque vous les entreprenez, elles vous conduisent au bien-être et au bonheur », alors vous devez les acquérir et les conserver. (AN 3.65)
Ainsi, pour reprendre l’expression de Tom Tillemans, toutes nos fictions ne sont pas utiles. En fait, nombre d’entre eux sont carrément nocifs. Le fait que nous nous considérions et que nous considérions les autres comme ayant des propriétés permanentes donne lieu au désir, à l’attachement, à l’orgueil, à la jalousie et à la colère, alors qu’il s’agit d’un récit erroné, car toutes nos caractéristiques sont temporelles, relationnelles et contextuelles.
Lorsque vous aurez enfin réalisé le Dharma par vous-même, avec l’aide d’un guide expérimenté, vous pourrez même abandonner les récits du Dharma, car ils étaient « destinés à traverser, et non à s’accrocher ». En comprenant l’image du radeau, vous abandonnerez même les enseignements, sans parler de ce qui va à l’encontre des enseignements. (MN 22)