La tension de l’impératif moral de Socrate, selon lequel la vie non examinée ne vaut pas la peine d’être vécue, est renforcée par l’insistance d’Hannah Arendt sur le fait que le mal provient d’une incapacité à penser. Ces affirmations réfutent la notion selon laquelle les contemplatifs seraient des individus isolés, déconnectés du monde. Elle nous rappelle plutôt que les traditions contemplatives étaient autrefois fermement placées au cœur de la société.
Non seulement leurs explorations de ce que signifie être humain, responsable et conscient ont donné un sens à la vie, mais leur questionnement pénétrant s’est avéré un puissant réquisitoire contre la violence irréfléchie et arbitraire de l’autosatisfaction insensible et de la passivité face à de tels actes répréhensibles.
Parcourant la frontière entre la nature sauvage et la ville, entre le silence et la prophétie, ces hommes et ces femmes aux sentiments farouches ont cherché à comprendre la nature ultime de notre existence, ont témoigné de l’injustice et de la souffrance, et ont dit la vérité au pouvoir et aux faux-semblants. En endurant les épreuves avec autodiscipline, ils sont allés au-delà du confort du foyer et de la tradition, au-delà de la sécurité de la doctrine et de l’opinion, vers une connaissance directe et libératrice, pour les autres et pour eux-mêmes.
Bien que leurs noms varient et que leurs visions du monde puissent sembler différer de manière insurmontable, ces Bhikshus et Bhikshunis, Soufis, Prophètes, Philosophes, Sadhus et Frères, laïcs et monastiques, remplissaient dans leurs sociétés respectives des fonctions non seulement étonnamment similaires, mais aussi apparemment aussi nécessaires que les mitochondries dans une cellule. Leurs communautés constituaient des alternatives aux cultures de la cupidité et de la violence, et un frein aux caprices des dirigeants. En ces temps de destruction de l’environnement, d’inégalités sans précédent, de « fake news » et d’injustice systémique, le rôle de ces chercheurs de vérité et de ces orateurs n’a jamais été aussi pertinent.