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L’Arhat de Pa Auk Tawya

Ven. Gendun

La saison des pluies au Myanmar a été impressionnante. Les premières gouttes ont redonné vie à toutes les punaises de lit du monastère, mais aussi, heureusement, aux plantes à fleurs et aux créatures petites et grandes. En l’espace d’une semaine, le filet d’eau s’est transformé en un rideau d’eau, dont le bruit impétueux enveloppait le silence de ma hutte. Certains jours, je ne voyais guère à plus de quelques mètres au-delà de ma fenêtre. La moisissure a explosé sur mes murs comme sur mes pieds. C’est la raison pour laquelle cette saison était communément appelée « saison du pourrissement des orteils ». L’humidité a tout transformé en défi, d’autant plus que rien ne séchait plus. Heureusement, la saison n’a pas fait de distinction et a fait en sorte que tous les moines sentent aussi mauvais. Ma cabane étant située sur une pente, elle s’est transformée en île fluviale, rendant mes tongs inutiles.

Aller à la pindapata, ou tournée de l’aumône, est donc devenu un lent voyage où je tâtais le terrain avec mes orteils, une sébile dans une main et un parapluie dans l’autre. Chaque jour, cependant, j’attendais patiemment qu’une voix spécifique émerge de la forêt au-dessus de moi. D’abord doucement, puis de plus en plus clairement, il annonçait la descente de ce qui était réputé être l’Arhat (saint) vivant au-dessus de moi. Au sommet de la montagne, il résidait dans ce qui n’était guère plus qu’une couverture faite de vieilles robes tendues sur quelques branches. En dépit de ses circonstances arides, il était toujours vêtu de façon impeccable, flottant presque avec élégance et calme, tout en psalmodiant des prières et des suttas pali de sa voix mélodieuse, attirant de chaque hutte qu’il passait les moines hypnotisés, comme s’il était le Joueur de flûte de Hamelin. Il était le général que nous suivions tous au combat, l’abeille que nous suivions pour le miel, la muse dont nous étions tous tombés amoureux.